Sans titre

JOANIE LEMIEUX

s’égarer au fond d’une rivière
avec les pierres et tout ce qui est mort
on dit que l’eau court
mais ce sont les gens
dedans
qui fuient

il faut beaucoup aimer il faut
prendre son temps il faut
glisser les doigts dans les cheveux
de l’eau
pour mesurer l’imperturbable
la tendresse minérale
du sable jamais tranquille
et de toute cette roche debout au fond
qui retient la rivière en elle-même

et qui retient la fille
par ses poches

ton rire
cascade
dans les rapides
avec celui de ce chaton de trop
(pourquoi ce souvenir te revient-il à ce moment?)

ça fait mille ans
de ça
je t’entends dire

 

les étoiles aussi
meurent

souvent
elles sont déjà mortes
quand on les remarque

l’univers s’écoule par ses noirceurs
il ne dit rien du diagnostic
entre les photos
il ajuste son feu

et nous
là-dedans

 

on n’y peut rien pour nos gènes
ni pour l’asphyxie
de chien polaire
qui lèche nos calciums et nos spectres
    
la nuit on se prépare à nourrir la vermine
et les astres
à voir surgir nos trous
des textures brutales
de janvier

on veut bien faire les choses

laisser des rivières
et des horloges
à remonter

 

mais la naine blanche
qui serre
sous le sternum
comme un banc de métaux lourds

a-t-elle-même un prénom

 

on ne fait pas de pacte avec les eaux
on survit
comme on peut
aux violences atomiques
des ressacs

(depuis l’enfance on t’avait prévenue
ne pas entrer chez le Hollandais
Volant) 

 

qui comprendra l’isolement des étoiles
tu me dis un soir
en soufflant ta fumée
on leur invente des vies
des dieux
des sortilèges

elles non plus personne ne les touche

j’aimerais te promettre
des fusions

soif par soif
sédiment par sédiment
nous renouerons la matière