Celles qui comptent

Émilie Turmel

Vers vos ciels les filles s’érigent
toutes cathédrales
elles sont de celles qui se tordent le cul
à copier des scènes de vierges habiles
mais leurs prières coulent
entre vos doigts
les moteurs de recherche étouffent
leurs gémissements
sous d’autres gémissements
il n’y a qu’à lire sur leurs lèvres
rasées à blanc pour le progrès
de les croire à nouveau pré-pubères

Elles sont de celles qui vous crachent
l’origine du monde au visage
leur vagin pleure des pixels par en-dedans
ce n’est pas de tristesse
que le web entier crève
leurs eaux l’univers
n’est pourtant pas assez vieux
pour les avoir vu naître et
mourir sur commande

Elles sont de celles qui vous textent
des baisers rectangulaires
pour ne pas qu’ils basculent
quand elles se masturbent
en portant d’autres croix

Elles vous renvoient sans filtre
la symétrie de leur corps à peine mûr
un cheat code pour perpétuer l’espèce
sous vos ongles impatients d’éplucher
leurs glandes mammaires en quartiers juteux
pour en bouffer la pulpe
sanguine jusqu’à l’écoeurement

Elles voudraient que vous pressiez
tout votre poids sur leurs reins
que vous cliquiez pour les rafraîchir
quand elles ne répondent plus
elles voudraient qu’on les mène
encore à l’asphyxie finale
là où la mort est petite
et douce comme un gant retourné

Elles sont de celles qui se commettent
comme des actes terroristes
prennent les seuls cul-de-sac
assez grand pour les contenir et
vous faire jouir comme des pneus
crissant sur l’asphalte

Sur le lit défait spasmes
et sueur salive et sperme
vous striez leur peau
sans dépasser les contours
les murs beiges du motel
chantent brament sacrent le printemps
sur la table de chevet un horodateur
indique les sorties de secours
elles sont de celles qui comptent
les pétales de cigüe et
vous apprennent à tuer le temps
les dimanches après-midi