La pluie s’endort toujours sur le côté gauche

Jean-Christophe Réhel

j’ai la patience
de bien tomber
changer mes pieds pour dix minutes de sommeil
installer un matelas sur chaque banc de neige pour fuir la fatigue

 

j’ai l’espérance de vie d’un chien d’une pluie
chaque année équivaut à sept années d’angoisse constructive
et dehors je m’allonge je glisse jusqu’au dépanneur  

 

je meurs plusieurs fois par année
je reviens toujours je me fais à manger pour demain
j’emprunte l’ambulance
je dors dans la même lumière

 

il y a bien des façons de ne pas parler
comme aller le plus loin possible dans l’eau
prendre le temps de fabriquer quelque chose d’utile
une inquiétude qu’on monte avec autant de précision qu’un sandwich aux tomates

 

méthodiquement
je construis un bunker
juste ça
une neige qui commence qui ne tombe pas qui tombe entre ta paupière
et le sofa

 

peler tes lèvres
j’ai ta bouche pour prendre du poids
je ne suis pas capable de lire les manuels d’instructions
ni de fabriquer les objets que je possède
mais je peux m’endormir dans une voiture
marcher dans le noir
faire deux siestes dans la même journée

 

avec mes muscles
je cours je bois de l’eau
je n’ai pas besoin de voir le futur j’ai des mains
elles comprennent que la neige c’est la pluie un peu dépressive
parce que vivre demande beaucoup de sommeil
la neige s’élance et cache les visages et les ombres et les voitures et l’appartement
et le soleil et mon mal de ventre et la poussière sur les meubles et nos bonnes manières
et je suis la marée et je nettoie la mer chaque jour et je détruis chaque montagne
et je pelte ta déprime et elle s’en va et elle revient aux deux jours
et moi aussi parfois je pars et je reviens et je me cache sous la neige du balcon
et j’allume un feu avec mon corps et j’attends que la pluie fasse fondre la pluie
et je comprends que la neige c’est mes os c’est un volcan
c’est simplement ton visage qui s’endort toujours sur le côté gauche