Tu vois

Caroline Louisseize

Ce que tu m'as fait voir
soufflait bien trop fort
en terrain neutre pour la peine
je t'appellerai rorscharch de sable
mouvant de manège silencieux
rorscharch bigarré suprême
de pendentifs de paniques
de jours hâtifs couleur niaiseux
ancres fondues et repeintes
qu'on ne m'y reprenne plus
les glaces brisées en débâcle je pense qu'il y a trop
de courant par en-dessous
il faut recoudre le lac
ensemble comprendre la source
flatter sa course retrouver
la rigole

Qu'est-ce que tu vois pigeon ouvert
rorscharch blindé d'amertume
sur ma rétine ton reflet dans quel sens
retiendras-tu tes murmures
hisseras-tu l'insolence des drapeaux
quand je serai éléphant aplati
je serai ce que tout le monde répète
pendant qu'on dépouille ma jungle de ses codes
de ses symboles machinés comme des symptômes
sans angoisse
au coeur
sens premier du monde
je ne peux rien dire qu'est-ce que c'est

Ce que tu vois
des lézardes pas d'histoires
rorscharch de silence acqueux
un fleuve fermé sous la terre et invisible
sybillines mobiles
c'est l'avalanche des manières dans l'encre moirée
l'apparence trompeuse du Sphynx
c'est un papillon qui ne vole pas
n'a jamais volé ne volera jamais
l'absence totale de nuit
le masque faibli et sans visage
c'est la transe sans âme
la tache sans accident
l'amitié sans regard
l'aumône du sens au pays de l'absurde
un arc autour de rien
ce n'est même plus un papier
c'est la peinture de tous les enfants
rorscharch en puissance

Tu vois
réponse patiente
à long terme rien du tout
seulement ton visage
déjà dans les photos tu cherchais la sortie
le glissement d'un terrain vers
la nature profonde un gâchis contre
ma parole
des clés laissées dans le noir
ce n'est rien ce n'est que de l'encre
hors de l'oeil éolien
ressucitant ma torpeur
pour l'ampleur d'une hallucination
il n'y aura pas de complicité
au voyeurisme
à l'évaluation de mes sinistres
même modeste
ce n'est pas de l'encre c'est de la gaspille
repliée exprès
en attendant que je jette tes fleurs
et que je ne doive plus rien à personne.